8 portraits de femme à l’honneur en 2021 (suite)
Je poursuis avec 4 portraits de femme à l’honneur pour la semaine de la Femme ! Toutes sont formidables, généreuses et authentiques et toutes aussi passionnées les unes que les autres. Chacune défend à sa façon le parfum, avec l’envie de faire bouger les lignes, dans cette belle industrie. Oui, c’est belle et bien une industrie, et plus un artisanat. Malgré tout, des femmes s’attachent à défendre une autre approche du parfum. Hasard ou coïncidence, je vous deux Isabelles et deux Karine….
Les 8 autres portraits de femmes
Isabelle Prin du Lys “Serena Galini”
Dès l’âge de 5 ans, Isabelle monte déjà à cheval à cru sur une jument, âgée de 22 ans !.. Rien d’étonnant puisque dans sa famille, tout le monde monte à cheval, même sa grand-mère, une forte personnalité, passionnée d’attelage. Cette dernière, en lui offrant ses 1ère bottes en cuir sur-mesure, sera à l’origine de son 1er choc olfactif. “A peine avais-je ouvert la boite que tout un univers d’odeurs est arrivé jusqu’à moi. L’odeur de cuir neuf, ciré mélangé à l’odeur de ma grand-mère, parfumée à Bandit de Piquet, un cuir chypré” me raconte Isabelle.
Désormais, l’odeur du cuir va la suivre, la poursuivre….Il n’est donc pas surprenant qu’Isabelle apprécie le travail de Germaine Cellier, adepte des parfums cuirs et d’Anna Zworykina, parfumeur russe. “Une cow-boy du cuir proposant des eaux cuirées, totalement hors norme” me confie t-elle.
Toujours dans ce même état d’esprit, Isabelle va grandir à la campagne avec cette grand-mère, orchestrant la fabrication de potions, d’élixirs, de sirops bien sûr naturels… Elle va être élevée dans cet environnement de la nature dans une liberté quasi absolue. Isabelle partira à l’université de Lausanne, pour y apprendre l’aromathérapie, la phytothérapie, la sophrologie, la médecine chinoise et la neuropsychologie. Après avoir exercé en cabinet, elle donnera des formations aux laboratoires médicaux et pharmaceutiques.
Puis, la vie d’Isabelle, prend un autre tournant quand Cédric Bischetti, le président “des Makers for change” lui demande de relever un défi : créer un parfum pour le 60ème anniversaire du traité de Rome. Pour cette créatrice hors code, “le parfum contient la vie. Effectivement, il vient de l’essence de la vie et ne peut-être autrement que naturel, puisqu’il est écho à sa propre naissance” m’explique Isabelle. C’est pourquoi, un parfum différent accompagne chaque moment de sa vie. Sans compter qu’au coeur du prana, l’énergie vitale, se trouve l’inspir, ce que l’on sent. Un chemin qui ramène au parfum et bien au-delà. D’ailleurs, il est important de rappeler que le bulbe olfactif est le 1er à se former dans l’embryon. Un sens olfactif est de première importance, puisque dès lors sa disparition, on perd tout repère.
Au delà de cette amour du parfum, Isabelle aurait rêver, devenir chanteuse. Très jeune, elle jouera du piano mais aussi de l’orgue. Une musique qui l’accompagne tous les jours que ce soit Gabriel Fauré, Sergio Tacchini, L’Ave Maria de Caccini mais aussi de la musique électronique ou encore le musicien DJ Christophe Lesuisse.
Aujourd’hui, Serena Galini
Suite à la création d’Auditorium, “Les parfums Serena Galini” verront le jour. Pas question de s’arrêter en chemin. Entourée de Nina et David, deux des enfants d’Isabelle, cette belle aventure va continuer. D’où vient ce nom Serena Galini ? Son message clé est la sérénité : Serena voulant dire sérénité et Galini étant l’île du bonheur, une île italienne, en partie disparue. Effectivement, les parfums d’Isabelle amènent apaisement et sérénité.
Auditorium ne ressemble à aucun autre…. il est constitué de 2 coeurs, l’un floral et l’autre boisé. 100% naturel, sa formule, imaginée par Isabelle et le parfumeur Thierry Bernard, ne contient que des plantes endémiques européennes. En réalité, les parfums d’Isabelle, ne sont pas des parfums hors normes, mais ils reflètent sa force et sa personnalité, son amour de l’authentique et l’envie de redonner au parfum, ses lettres de noblesse. Ils sont donc différents, puissants, toujours avec un message. Egide, le dernier lancement de la maison, est un élixir de protection, inspiré d’une histoire d’amour du XVI siècle. Pour ce dernier, Antoine Lie, parfumeur indépendant, a imaginé un parfum tout en dualité, entre aromates balsamique et cuir. Si vous avez envie de mieux comprendre l’univers de cette maison de parfum, il est recommandé d’aller au bar à parfum à Strasbourg. Isabelle aime le beau, la qualité mais avait à coeur de pouvoir être accessible : alors les parfums Serena Galini, sont vendus à partir de 10ml.
Elle admire
Germaine Cellier, parfumeur chez Roure et Anna Zworykina, parfumeur russe indépendante
Son parfum du moment : Auditorium et Egide
Karine Dubreuil “Vox Profumi”
Ses derniers parfums : Ginza de Shiseido, Plume blanche de Lalique, Lalique White in Black pour hommes, 004 Bon Parfumeur
À peine marche t-elle, que l’odeur des fleurs à parfum que sont le jasmin, la rose, la lavande mais aussi les feuilles de figue et de fruits, faisait partie de son quotidien. Des souvenirs issus de jardins grassois et italiens de son enfance. En effet, Karine est née à Grasse. Or, ce sont surtout les agrumes, ses odeurs fétiches qu’elle utilise sans crainte dans ses créations. Néanmoins, Karine aurait pu devenir chanteuse lyrique…”J’ai plein de rides de rigolades ! Mes fous rires et mes vocalises me permettent d’ailleurs d’avoir de solides abdos !”, me raconte t-elle. Oui, Karine respire la joie de vivre, et elle a un besoin vital de rire.
La clarté, la lumière et la gaieté sont les mots qui comptent, dans son processus de création. D’après elle, cette lumière, présente dans les notes fraîches, reflète l’intensité d’un soleil brillant. Rien de mièvre. Karine donne tout sauf dans la demi-mesure.
« Même dans une note ambrée ou chyprée, je poursuis ma quête de lumière et de joie ». Le tout dans des formules courtes pour toujours garder une trame claire. Pour elle, la créativité induit simplicité et lisibilité. « Il s’agit de trouver la voie où chaque ingrédient a sa raison d’être ». En réalité, sa démarche créative oscille entre une méthode rigoureuse et garder le plus possible toute sa spontanéité, pour découvrir des accords inédits.
Quand Karine ne crée pas, elle écoute Rigoletto, Madame Butterfly ou encore Tosca, Norma, Adriana Lecouvreur ; ses voix favorites sont celles de Renato Scotto qui allient la beauté de la voix, à celui du jeu théâtral, et celle de Placido Domingo au timbre chaleureux et à la sensualité espagnole. En revanche, Maria Callas tient pour elle une place à part. Et autrement, on la retrouve derrière les fourneaux, car c’est une épicurienne ! Derrière cette fourmi travailleuse et cette battante, réside une jeune femme, capable de regarder un paysage, pendant des heures. Karine aime tout simplement la vie !
Aujourd’hui, Vox Profumi
Vox Profumi, tel un clin d’oeil à sa passion pour le chant, est depuis maintenant quelques années son studio de création. Un lieu de liberté où elle peut exprimer ses valeurs et ses convictions. Car pour Karine, chaque parfum constitue une nouvelle histoire, parsemée de nouvelles rencontres. Un échange primordial, permettant une meilleure compréhension, le sens olfactif étant si subjectif. C’est pourquoi, il a toujours été important pour elle, d’être en contact direct avec le client : l’occasion d’éclaircir sa pensée et de mieux le comprendre. Et le travail se fait d’autant plus facilement, si les deux personnes s’estiment et se respectent.
Une belle histoire et une histoire de femmes, que Karine a aimé partager pour la création de Ginza, le nouveau parfum Shiseido. Un travail créatif réalisé avec Maïa Lernout, parfumeur Takasago. Et en même temps, un développement marketing avec Justine Portrat et Agnès Satin chez Shiseido.
“Une belle complicité, entourée de bienveillance et de respect de notre travail, nous ont permis de créer un beau bouquet floral, aiguisé par les bois” me confie Karine. Sans oublier la 4ème femme, Constance Guisset, l’auteur du flacon de Ginza.
Elle admire
Annick Menardo, parfumeur Symrise pour sa créativité et ses formules simples ; Louise Turner, parfumeur Givaudan pour son écriture ciselée et précise. Longtemps, ce métier de parfumeur a été le pré carré des hommes…. rattrapé aujourd’hui par un nombre croissant de femmes. “Ces dernières ont dû s’imposer par un travail plus créatif afin de se démarquer” me confie Karine.Tandis que parmi les femmes dirigeantes, Véra Strubi et Sandrine Groslier figurent parmi ses favorites.
Son parfum du moment : Senteur Fraîcheur de Eau Jeune, un parfum qui lui rappelle ses années insouciantes. Sans oublier son fond chypré & ambré qu’elle apprécie surtout. Empreinte de Courrèges, un parfum frais et chypré.
Isabelle Gellé “The Perfumery Art School” & “Les Parfums d’Isabelle”
Isabelle Gellé est une citoyenne du monde….Cette dernière est née dans le Beaujolais avec des origines polonaise, belge, mauricienne et malgache. Déjà un beau voyage, que l’on continue avec tous les pays où Isabelle a vécu : Afrique, Angleterre, Bruxelles, Nouvelle Calédonie ! Une vraie globe-trotteuse, dont le fil rouge a toujours été le parfum, et va continuer de nous faire voyager, avec les parfums naturels qu’elle crée. Vous allez vite comprendre que sa curiosité insatiable font que le monde n’a pas de frontières.
Néanmoins, l’Afrique remporte sa palme d’affection. C’est là qu’elle a habité jusqu’à son adolescence. “L’Afrique, une herboristerie à ciel ouvert dont le parfum est un mélange d’odeurs difficiles à décrire, tellement il est riche. Entre les épices, les feu de bois, la terre, mélangé aux odeurs des hommes” me confie Isabelle.
Tout un monde d’odeurs et de parfum qui l’a bercé depuis son enfance. Et plus particulièrement, l’histoire de sa famille. En effet, Isabelle appartient à la famille célèbre des parfumeurs Gellé Frères. Il s’agit de cousins éloignés, les Gellé Dinnematin, établis à Limoges. Malgré tout, Isabelle restera imprégnée par cette histoire, pendant son enfance. D’ailleurs, son père lui offrira un four pour fabriquer des bougies dans lesquelles elle mettait les macérations de plantes récoltées en Nouvelle Calédonie !
Puis, les propriétaires chinois de la marque actuelle Gellé Frères l’approcheront pour qu’elle intègre la nouvelle aventure. Or, leur chemin se sont séparés, lorsque les propriétaires chinois ont décidé de donner la priorité au marché chinois, et par la même, s’éloigner de l’héritage de Gellé. Il faut juste rappeler que les frères Gellé avaient racheté les formules de JL Fargeon, parfumeur de Marie-Antoinette ! Jusqu’en 1936, la marque fut connue pour ses nombreuses innovations (cheveux, dentifrice), la fabrication des essences naturelles. Elle était aussi très appréciée par les artistes de l’époque. Malheureusement, un incendie de l’usine, nous empêche aujourd’hui, de détenir les formules des parfums Gellé.
Pendant de nombreuses années, Isabelle a travaillé dans l’hôtellerie de luxe avant de totalement se dédier à sa passion des parfums, et avant celle de la parfumerie naturelle. On peut dire qu’elle a été précurseur en la matière.
Isabelle ne s’arrête pas à la création de parfum…. elle ne se promène jamais sans son appareil photo, un autre de ses hobbies sans oublier le flamenco qu’elle vient de découvrir. “Un art et l’expression même des émotions”, me souligne Isabelle. Cette vraie passionnée vous embarque dans son monde.
Aujourd’hui, The Perfumery Art School & Les Parfums d’Isabelle
Dès 2006, Isabelle crée les Parfums d’Isabelle dans le but de réaliser des parfums 100% naturels, vegan et sans compromis. Une 1ère collection “Voyage Parfumés” voit le jour avec 6 parfums, puis “Time is Essence” composé de 6 parfums. Cette dernière collection est une invitation dans un jardin anglais, où règne un romantisme classique, mettant en lumière des fleurs tels la rose & la violette, l’oeillet, la fleur de cerisier…. Quelques temps plus tard, Isabelle réunira autour d’elle des parfumeurs prêts à l’accompagner dans l’aventure de Parfumeurs du Monde. Son idée étant de fédérer des parfums de cultures différentes et 100% naturels. En effet, Isabelle croit à une histoire du parfum, propre histoire à chaque pays.
Par ailleurs, elle met en place une école de la parfumerie naturelle en ligne. Ce projet a vu le jour, suite à des conférences à L’Imperial College, puis à Kensington Palace et au London Transport Muséum à Londres. Devant l’envie grandissant des passionnés voulant approfondir leur connaissance Isabelle entreprend ce défi. Deux formations sont proposées, toutes deux certifiantes et reconnues. Au final, Isabelle est impressionnante et heureusement elle peut compter sur l’aide de son mari.
Elle admire
Christine Nagel, parfumeur chez Hermès, Isabelle Doyen, parfumeur
Son parfum du moment : Oud de Tom Ford et Nahelie Sweden
Karine Torrent “Floratropia”
Karine est née dans un flacon ou presque ! Plus exactement, elle a vécu dans la Vallée de la Bresle, la célèbre région d’où ont émergé beaucoup de beaux flacons de la parfumerie. Or, les amis de ses parents travaillaient soit chez Pochet du Courval, soit aux verreries Brosse…. C’est sans compter les nombreuses miniatures de parfum qu’elles recevaient. Cependant, il ne faudrait pas oublier de parler des aromates du jardin de sa grand-père en Corse. Comme elle me le rappelait, Saint-Exupéry en parlait comme de l’île des parfums. Un fil olfactif qui se poursuivait jusqu’à la ville où elle se rendait chaque semaine avec sa mère pour des rendez-vous importants : là, elle filait immédiatement soit dans les parfumeries, soit dans les librairies !
Tout naturellement, Karine va faire son 1er stage chez Guerlain, après un diplôme en école de commerce et un DEUG d’anglais. “J’étais comme une enfant dans un magasin de bonbon. Emerveillée, je glanais, je lisais tout.” me confine Karine.
Puis, elle a poursuivi son chemin chez “le Monde en Parfum”, marque de parfum niche d’Yves Rocher ayant pour objectif de mettre en avant le savoir-faire de la parfumerie, Valentino (groupe Puig) où le parfum n’est pas au centre des préoccupations et enfin les parfums Atkinsons, une expérience incroyable. De ce parcours, Karine sera marquée par 2 femmes, Brigitte Bourny et Brigitte Wormser. La première, pour sa connaissance incroyable des ingrédients et l’autre, pour sa expérience du milieu, et sa capacité à laisser toute sa liberté à ses équipes.
Hormis sa passion des odeurs et des parfums, Karine se ressource sur les bords de l’eau, et surf sur les vagues. Une discipline récemment découverte, mais une épiphanie incroyable, avoue t-elle. La danse contemporaine son autre échappatoire. Tout ceci sans oublier bien évidemment, les livres avec Giono, Marguerite Duras, Romain Gary….
Aujourd’hui, Floratropia
Dès le départ, Karine décide de créer des parfums de bons et de beaux. Plus encore, apporter de l’innovation, inventer autre chose et donner un second souffle à la parfumerie. Pour y parvenir, elle va déconstruire chacun des éléments en revenant aux sources de la beauté d’un parfum. C’est là que le fil rouge des plantes se dessine, en portant une attention à la biodiversité. De plus, se désengager de la pétrochimie, réduire les emballages, deviennent alors une évidence. Tout un challenge que de défier ce lourd héritage de la parfumerie traditionnelle….L’objectif étant de relier le savoir-faire du parfumeur et les objectifs de développement durable. Un beau défi que Karine a su et sait admirablement relever.
Ce sera décidé les parfums de Floratropia seront 100% naturels, issus de matières de la chimie verte, de l’upcycling et de la biotechnologie. Son chef d’orchestre créatif sera Delphine Thierry, parfumeur indépendante de son labo Inspiration Libre en liaison avec le portefeuille d’ingrédients de Robertet, et fabriqué chez Jean Bouis. “Quant au flacon, j’ai opté pour des flacons recharges. De cette façon, nous changeons l’équation environnementale et économique. En un mot, moins d’emballage réduit les déchets et les émissions de carbone tout en rééquilibrant le coût important du parfum naturel” m’explique Karine. Aujourd’hui, la marque propose 4 parfums, 4 histoires des éléments naturels que sont l’eau, le feu, la terre et le ciel. Outre le flacon nomade, la marque offre des flacons vintages chinés. Comme le dit très justement sa fondatrice, “je ne vends pas du flacon mais un nouvel art de vivre du parfum avec conscience et engagement pour le vivant.
Elle admire
Germaine Cellier, parfumeur chez Roure, Olivia Giacobetti, parfumeur chez Iskia et créatrice de IUNX, sa marque de parfum et bien évidemment Delphine Thierry de Inspiration Libre.
Son parfum du moment : Le prochain parfum de Floratropia, un parfum qui sera autour de l’ambre ! Je ne peux pas vous en dire plus, me confie Karine.
4 portraits de femme à l’honneur : ce fut un bonheur et une joie pour moi d’échanger avec ces femmes du parfum. Merci à elle pour le temps qu’elles m’ont accordées.
Recent Comments