Honneur aux femmes parfumeurs (1)
Pendant très longtemps, les parfumeurs ont surtout été des hommes. Or, la voie s’est ouverte avec Germaine Cellier (Roure) suivie de Joséphine Catapano (IFF), Jeannine Mongin (Givaudan) et Monique Schlienger (Robertet). Puis, 3 femmes, Françoise Caron, Sophia Grosjman et Akiko Kamei, ont poursuivi. Aujourd’hui, je vous dévoile l’univers créatif et la personnalité de quelques femmes parfumeurs.
3 femmes parfumeurs
Nathalie Lorson
Son 1er parfum : Roméo de Roméo Gigli et son dernier : K de Dolce Gabbana avec Daphné Bugey
Saint-Laurent, Lalique, Givenchy, Dolce Gabbana, Musicology... sont autant de rôles que Nathalie Lorson a revêtus, pour exprimer les émotions en odeur. En fait, cette dernière s’imagine telle une comédienne. D’ailleurs, elle aime à dire, “je prends un habit en fonction de la marque et je suis au service d’un propos, même s’il y a toujours quelque chose de moi dans la création.” Au final, Nathalie n’est pas un nez !… mais un cerveau.
En réalité, Nathalie est touchée par l’idée qu’elle rentre avec ses parfums, dans l’intimité de chacun de ses fans. De cette façon, le parfum donne une trace, qui donne des couleurs à la personnalité de chacun.
Nathalie estime avoir beaucoup de chance d’exercer le métier de parfumeur, même s’il n’est pas rose tous les jours !… Cependant, elle s’y dévoue à corps perdu, donnant le maximum d’elle-même. A son image, ses parfums sont toujours en rondeur, en douceur, avec une certaine délicatesse, et jamais dans la vulgarité. Ses sources d’inspiration, elle les puisent dans la forme d’un flacon, les voyages, un storyboard ou encore une association inattendue d’un chef de cuisine.
Cette passion, Nathalie l’a rencontré à Grasse, aux côtés de son père, chimiste chez Roure. D’ailleurs, elle mélangeait déjà des plantes du jardin. Très naturellement, Nathalie fera l’école de parfumerie Roure avant d’être engagée. “Des années très formatrices en parfumerie fonctionnelle, où j’ai appris à être créative, et optimiser mes formules.” A l’époque, les femmes parfumeurs étaient peu nombreuses. D’IFF à Firmenich, elle n’a cessé d’insuffler aux équipes, un vent de curiosité et son énergie trépidante.
Son écriture, son style
“A chaque parfum, j’essaie de faire quelque chose de différent” me raconte Nathalie. Effectivement, elle s’efforce à chaque projet, de trouver de la différence, que ce soit avec une nouvelle matière, une association étonnante ou encore des dosages inattendus. C’est en quelque sorte, son obsession ! De cette façon, dans Encre Noire de Lalique, Nathalie a associé un vétiver à une note boisée, alors qu’il est très souvent associé à des notes citrus.
Pour Black Opium d’Yves Saint-Laurent, c’est le café, une note addictive par excellence, au côté de notes florales qu’elle a exploré, ou encore une overdose d’ambre dans Another 13, pour Le Labo. Plus récemment, elle a travaillé un narcisse avec une fleur d’oranger dans “Peur de rien” de la collection Givenchy. Ouvrir de nouvelles voix olfactives reste, ce qu’il y a de plus important pour Nathalie.
Amélie Bourgeois
Son 1er parfum chez Flair : Rouge assassin de Jovoy et son dernier : Mimosa supercritique chez Les eaux Primordiales
Amélie est une femme parfumeur aussi discrète que timide, comme elle le dit clairement. Or, derrière ses doutes, il y a une battante, une amoureuse des chevaux et de la liberté. Une indépendance qu’elle concrétisera avec la création du Studio de création de parfum Flair, avec Martine Denisot et Anne-Sophie Behaghel. Mais quid de sa rencontre avec le parfum ! Elle se fera avec Déclaration de Cartier, qu’elle offrit à son père. Puis, son rêve de connaître Jean-Claude Ellena, le créateur de ce parfum, se réalisera ! D’ailleurs, elle vient de retravailler avec lui et Anne-Sophie, 3 Colognes Le Couvent des Minimes.
Néanmoins, sa décision de devenir parfumeur, se déclenchera pendant son BTS de cosmétiques, où elle parfumera une crème. Puis, hasard ou coïncidence, Amélie rencontre Monique Schlienger alors, la fondatrice de Cinquième Sens. Pour elle, c’était une femme passionnée, généreuse, charismatique et libre. Une femme qui redonnera confiance à Amélie en lui disant “Si vous gardez la passion, l’envie, vous réussirez”.
C’est ainsi que sa bienveillance la poussera à monter Flair, au côté de Martine Denisot. Aujourd’hui, Flair forme un trio qui se complète. Amélie est yin, quand Anne-Sophie est yang, tandis que Martine conjugue l’harmonie et la sagesse ! Mais, ce qui est certain, elles sont toutes les 3 “frappadingues” de parfum et de créations hors-normes.
Or, l’aventure Flair a démarré avec la marque italienne Mendittorosa et les parfums Volnay, une belle endormie des années 20. Parmi toutes ses créations, Amélie me confiera être fière des parfums réalisés pour Les Eaux Primordiales. “Avec Arnaud Poulain, le fondateur de la marque, tout a fonctionné à merveille, car connaissant bien mon écriture, il a su me révéler” me confie Amélie. Puis, viendront Rouge Smoking de BDK, Fleur des sables de la Trilogie des Eaux de l’Est de Liquides Imaginaires et les Colognes chez Le Couvent, Maison de Parfum.
Son écriture, son style
Amélie a une signature tout en dentelle. Plus précisément, elle aime habiller une matière en douceur et laisser la matière s’exprimer d’elle-même. C’est le même rapport qu’elle entretient avec son cheval, sa grande passion ! D’autre part, elle aime aussi à dire “Tout comme on accessoirise une robe noire, je vais toujours dans le sens de la matière et jamais à contresens” m’explique Amélie. C’est pourquoi, elle aime les matières désuètes tels que l’oeillet, le lilas, la mélisse, qu’elle révélera tout en les laissant parler… Sinon, l’iris, le cèdre, la vanille figurent parmi ses favoris.
Anne-Sophie Behaghel
Son 1er parfum : Nevermore de Frapin chez Flair et son dernier : Phantasma de Liquides Imaginaires (disponible en mai)
Intuitive, audacieuse et espiègle, telles sont les qualités qui définissent Anne-Sophie. Oui, Anne-Sophie a du flair… c’est le cas de le dire ! Depuis sa tendre enfance, elle aime qu’on lui raconte des histoires : que ce soient celles de son grand frère, ou celles des directeurs artistiques avec lesquels elle adore travailler. En fait, à chaque fois, ces histoires vont être le point de départ d’une imagination olfactive débordante. Tel fut le cas pour Phantasma, quand Philippe di Méo lui raconta la geisha, le bar à Tokyo et la ville. Dans cette même veine, Anne-Sophie imagina un accord béton pour L’Air Barbes de la marque 1969, un accord encre pour la marque 1015 ! Tous, des accords nouveaux et inédits, comme elle les affectionne.
Anne-So aime relever les défis. Or, sa carrière a démarré chez Monique Schlienger, où elle a fait ses gammes de matières premières, avant d’intégrer Cinquième Sens, en tant que formatrice. C’est à ses débuts, où elle a découvert la tubéreuse et le vétiver, deux chocs olfactifs. Aujourd’hui, ses matières fétiches restent les bois et toutes les épices. Toujours à la recherche de nouveaux ingrédients, les pépites (piri-piri, mandora, vanille verte..) de Stéphane Piquart (Behave) ont rapidement rejoint le catalogue Flair… L’aventure humaine de Behave, respectueuse de l’environnement, associée à une éthique irréprochable envers les producteurs, a séduite Anne-So et Amélie, sa complice.
Pleine d’énergie, Anne-So est à l’écoute des autres. D’ailleurs, l’amitié est importante pour elle : des amis d’enfance qu’elle chérie, à ses actions humanitaires auprès Des enfants du soleil à Madagascar pendant 3 mois, avec ses 3 enfants et son mari, ou encore, à son séjour en Inde, à l’âge de 18 ans, pour construire un village et instruire les enfants. En réalité, elle est très positive et a toujours le mot pour rire. Une chose est certaine, Anne-So ne se prend pas au sérieux, mais instaure une joie de vivre au coeur de Flair !
Certes, elle est étonnée que son métier de créatrice de parfum fascine autant. Cependant, elle est ravie à l’idée de procurer du bonheur, aux autres avec ses parfums.
Son écriture, son style
Anne-Sophie aime que l’on reconnaisse ce que l’on sente. C’est donc tout naturellement, qu’elle surdose certains ingrédients avec beaucoup de facilité. De fait, If by R.K de Frapin contient une overdose de santal, Eden Palace d’Hervé Gambs, une overdose de genièvre ou encore Stream d’Aether, une overdose d’ambroxan. Même si les fleurs ne sont pas ses favorites, elle aime néanmoins créer des parfums pour les gens qui n’aiment pas la rose !… Xtraem d’Aether, Rose Trombone d’Orchestre Parfum, Kerose de Kerzon en sont un parfait exemple. A son image, son écriture est franche et directe.
En quelques mots, Nathalie, Amélie et Anne-Sophie m’ont fascinée par leur personnalité si différente. Je vous donne rendez-vous la semaine prochaine, pour vous faire découvrir 3 autres femmes parfumeurs…
Bonjour.
Je tiens à vous remercier pour ce délicieux partage olfactif, un vrai voyage parfumé hors de mon confinement ici à La Rochelle. Je connais la signature des parfums de Nathalie Lorson et ce que vous avez écrit d’elle confirme ce que je ressens auv travers des parfums qu’elle a créés et qui sont dans ma parfumothèque personnelle.
Etant un homme, je ne suis pas très ouvert aux parfums féminins mais je trouve particulièrement agréable, pour ne pas dire sensuel, qu’une femme crée un parfum pour homme. C’est comme si il y a une touche discrète de sa personnalité et de sa passion olfactive qui m’habille secrètement; cette empreinte féminine est comme une douce caresse.
Alors oui, j’encourage vivement les femmes à créer des parfums pour homme et c’est très excellent qu’il en soit ainsi.
Un Amoureux des Parfums
“Vent de l’Océan”