Se parfumer, un acte d’humanité (la suite)
Se parfumer, un acte d’humanité ? Telle était la question posée au colloque du 17 Octobre 2014 à Grasse dans le cadre de la démarche de candidature des savoir-faire liés au Parfum, en Pays de Grasse, au Patrimoine Culturel Immatériel de l’Humanité. Une question que Nadia Bédar, Chargée de Mission auprès du Sénateur-Maire de Grasse, Jean-Pierre Leleux, et Responsable de la Mission Patrimoine Culturel Immatériel, est allée poser à différents parfumeurs. Comme promis, voici la suite….
Ici, je vous livre les propos, des 8 autres parfumeurs que Nadia Bédar a intérrogé.
Se parfumer, un acte d’humanité, un acte de séduction, un acte d’amour
- Chantal Sanier, parfumeur
Peut être la reconnaissance absolue intime et profonde de notre lien avec le monde. Un supplément de présence. Une manière d’être vivant, un peu plus vivant … en cet instant.
Il y a effectivement urgence pour sauver la naturalité qui est à l’origine et qui fait la beauté des parfums ! Comme mentionné plus haut, les règlementations prises par l’EU et l’IFRA, condamnent des chimiques basés sur des tests bien spécifiques, qui sont extrapolés ensuite aux naturels qui les contiennent, bien qu’il ne soit pas prouvé que ces chimiques soient identiques au niveau quantique, ni quelle est leur action dans un mélange. Cela sent la chronique d’une mort annoncée, qui fera les choux gras de l’industrie chimique (qui a tous les moyens elle de « lobby-iser »). Sous des couverts de soi-disant protection (car rappelons quand-même que les parfums ne représentent qu’une infime partie de la chimie de notre environnement, telle une aiguille dans une botte de paille), on a banni de la même façon l’herboristerie, et la France, du coup mange de l’anxiolytique au lieu de boire une bonne tisane (et on trouve ça normal). Pourtant, un naturel possède un équilibre yin yang (un mélange d’effets positifs et négatifs qui se contrebalancent, comme les effets variés du soleil par exemple), que ne présente pas nécessairement un chimique pur.
La protection du savoir-faire Grassois – qui réunit les producteurs de naturels et leurs transformateurs ainsi que leurs utilisateurs- est donc à la base même de la protection de la belle parfumerie, de la parfumerie d’art – qui en est le troisième volet puisque la parfumerie n’est pas reconnue en tant que art aujourd’hui. Créer des parfums est tout autant utile pour la conscience humaine et le bonheur de vivre que de créer de la musique, des peintures, du théâtre, du cinéma, et que toute autre forme d’art. Les cultures qui se passent de cela ne sont plus humaines.
- Asit Vyas, parfumeur
Se parfumer n’est pas une nécessité. Utiliser le parfum est un acte de raffinement. L’utilisation de parfum depuis le début de civilisations anciennes est la preuve que les humains ont toujours apprécié la bonne odeur. L’homme a une propension naturelle vers la beauté. Le parfum est une expression de la beauté par excellence. Et en tant que tel, un acte de l’humanité.
La Sensualité est renforcée par l’utilisation de la bonne odeur.
Et enfin l’amour. Chaque bon parfum est témoin de l’amour. Amour dans le processus de la pensée et travail de créateur des matières premières et le parfumeur, ainsi que l’amour ressenti par l’utilisateur dans l’acte de son utilisation.
- Marc-Antoine Corticchiato, parfumeur
On se parfume comme on le sent. Ce peut être pour ces trois raisons, pour l’une d’entre elles, pour d’autres encore… Le pouvoir du parfum est celui qu’on lui accorde. Mais on a aussi le droit de l’aimer sans raison, c’est-à-dire déraisonnablement.
- Christine Nagel, parfumeur
Il y a dans le geste de se parfumer une duplicité entre l’acte personnel, égoïste, pour son propre plaisir, et la démarche vers l’autre.
Le parfum est un message aromatique à quiconque ne nous n’aurait pas encore aperçu.
Dans sa complexité, séduction, amour, singularisation, signalement, affirmation, protection, chacun va à la recherche de ce dont il a besoin.
En plus nous, les parfumeurs, utilisons notre peau comme un outil de travail, dans une démarche de recherche.
- Aurélien Guichard, parfumeur
Un acté d’humanité : Réunir les différentes expertises liées aux métiers de la parfumerie, pour créer un parfum qui sera porté à travers le monde par des gens de différents horizons.
Un acte de séduction : se parfumer pour quelqu’un est un acte d’amour : toujours se parfumer avec le même parfum pour la même personne.
- Claire Chambert, parfumeur
Pour moi, c’est plus un acte de séduction et de plaisir (en accord avec soi et non que pour l’autre)
Jean Kerléo, parfumeur
C’est un acte de séduction, le Parfum est un complément de la personnalité et doit faire rêver…
- Vincent Ricord, parfumeur
Le parfum est un exhausteur d’émotions. Je me souviens de ma première voiture qui n’avait rien pour elle si ce n’est d’être équipée d’un radio cassette ;
Ella Fitzgerald peut faire basculer un embouteillage en un moment de grâce ! Il en va de même avec le parfum, il nous donne du courage, décuple nos émotions.
Se parfumer un acte d’humanité:Je ne suis pas parfumeur, Madame, mais tout de même , je m’essaie à l’exercice, puisqu’il m’est donné la possibilité de m’exprimer .
Il était tout à fait inutile d’essayer musc Tonkin , sur l’envers du poignet , là où, la peau est si blanche, gravée de fines veines bleutées; Parce que dans son nom, se nichait mon pays de naissance; j’en fis l’acquisition au plus vite. Je me suis parfumée de cette odeur miroir d’un paradis perdu , porteuse d’ombres , de mots, de chansons murmurées . Les dragons à mes pieds , j ‘étais un fauve roux.
Ceci étant dit et pour être honnête , cet engouement fut aussi bref que passionné , ce liquide ne s’accommodant pas de jours ordinaires. L’émotion reste vive, cependant, si j’ouvre ma commode où je l’ai bien caché aux cotés des joncs de jade jaune vin de riz, blanc vessie de poisson, bleu-gris comme un étang en automne, pourpre patte de canard, mousse dans la neige; si bien caché aux côtés des plateaux bois de fer, de nacre incrustés, des soies brodées de grues , de roses et de pivoines…
Pour conclure , chère Madame, sachez que je le cherche toujours, ce trésor olfactif. Pour l’heure un chant d’arôme m’enchante le matin, à défaut de cet ylang-ylang , impossible à trouver, sans l’île de Nosybé.
Bien à vous
Merci pour ce beau témoignage et ces belles descriptions olfactives. Je pense que vous faites référence à la matière première de musc tonkin et non le parfum de la marque Parfum d’Empire qui porte ce nom.