Qui est François Hénin
L’aventure des portraits se poursuit, même si elle demande beaucoup de temps… Mais aux vus du succès et de ma passion à découvrir les parcours des acteurs du parfum, je continue ! Aujourd’hui, c’est à la rencontre de François Hénin, propriétaire des boutiques Jovoy, que je vous invite. Un beau moment de partage !
Qui est François Hénin ?
Racontez-nous votre première rencontre avec le Vietnam ?
Après 13h d’avion au calme, j’ai été accueilli par le bruit incroyable et assourdissant des innombrables motos qui parcouraient la ville. Puis, les odeurs viendront me cueillir très rapidement – des odeurs délicieuses de fruits et les effluves caractéristiques de la soupe vietnamienne. Cette célèbre soupe sera d’ailleurs mon lien avec le parfum… mais vous saurez plus tard pourquoi ! En fait, je réalise aujourd’hui que je vivais les odeurs sans en prendre forcément conscience. Enfin, très vite j’ai été saisi par l’énergie extraordinaire qui régnait dans le pays.
C’est à l’occasion d’un stage durant mes études de marketing international que ce premier voyage durera 6 mois. Je suis donc parti pour vendre des glaces italiennes mais aussi du papier peint et des adhésifs… C’est d’ailleurs grâce à ces fameux adhésifs, très appréciés pour les vitrines lors du Têt Vietnamien (le nouvel an aux couleurs rouges et or) que j’ai pu me faire quelques Dongs supplémentaires. Tout cela en costume 3 pièces déambulant dans les faubourgs de Saigon : l’image parfaite du jeune commercial parisien ! Avec le recul, c’était ubuesque.
En marge de mon quotidien, et en suivant mon père, venu créer la chaîne d’hôtels Victoria, j’ai pu aussi découvrir le pays du Nord au Sud et d’Est en Ouest. A cette époque, la gentillesse et l’accueil des habitants m’ont le plus touché, sans oublier la surprenante magie de la débrouillardise des vietnamiens. Ainsi, vous tombiez en panne et immédiatement quelqu’un arrivait avec un panier rempli d’une boisson fraîche, un paquet de « 555 », et de tous les outils pour réparer votre moto « Minsk » !
Sans tomber dans les clichés, le Vietnam d’alors était encore pur jus : il y avait des bacs pour la traversée des fleuves, des plantations d’hévéas à perte de vue où l’on aurait pu croiser Catherine Deneuve !… Cela reste de fabuleux souvenirs.
Et votre deuxième séjour à Saigon ?
Cette fois là, ce fût une autre découverte dans une ambiance sac à dos. Je désirais aller à la rencontre des gens avant d’entrer dans la vie active.
De retour à Saigon, j’ai créé avec un cousin, un bureau d’achat pour fournir les centrales françaises avec des fruits et des légumes tropicaux que l’on expédiait à Rungis. Fort de ce succès, notre client principal nous demanda un jour, l’approvisionnement de 5kg d’herbes aromatiques contenues dans la fameuse soupe vietnamienne.
Prenant cette mission au sérieux, j’ai recherché et répertorié le nom des différentes herbes présentes dans cette soupe. J’ai réussi à en répertorier 38 !
Après cette première commande, ce furent 100kg, puis 1 tonne estampillée d’un sticker rouge et noir, le logo de ma marque Têt Vietnam (rouge et noir avec un célèbre chapeau iconique vietnamien) qui inondèrent le marché français. Finalement, cette distinction a suscité un appel du client, un parfumeur, qui aurait bien travaillé en direct. Une façon d’opérer que je refusais en bloc, malgré sa venue sur place pour me convaincre.
De la soupe vietnamienne au parfum ?
A l’occasion de mon retour en France pour les fêtes de Noël, moment où je devais renouveler mon visa, je fus accueilli par un douanier français qui m’attendait avec un large sourire… Eh oui, le glas du service militaire était tombé !
Mon sang ne fit qu’un tour, en pensant à mon entreprise, mes employés et ma maison que j’avais laissés là-bas. Je les considérais presque comme ma famille. Une fois à la gendarmerie, après quelques discussions durant lesquelles mon CV faisant mention de mes dons pour la flûte traversière, il me fut suggéré de rejoindre la fanfare !… Mais fort heureusement et plus sérieusement, c’est une demande de coopération qui me sauvera. En effet, c’est la mise en route d’une usine de distillation pilote, à Lào Cai, située à la frontière chinoise, au fin fond nord du Vietnam, qui me fut proposée. Malgré tout, j’ai eu la grande satisfaction de replacer tout le monde à Saigon, à l’instar de mon père, qui a le plus grand respect pour l’être humain.
Juste avant de partir pour Lào Cai, je suis allé voir à Grasse, dans l’ancienne usine de Roure (l’actuel MIP), les alambics qui me seraient confiés.
C’est ainsi que je fus plongé au cœur de la matière : ma première rencontre avec le patchouli. Par contre, je distillais aussi de l’écorce de cannelle, du poivre blanc et un cousin du santal. Cette fameuse cannelle allait devenir mon pire ennemi, car un petit flacon d’huile essentielle, se cassa dans ma valise ! et réduisit mes vêtements en une grosse boulle de chewing-gum.
En réalité, cette industrie m’interpelle et m’amuse. A partir d’une matière, on en tire sa quintessence. Un exploit dont l’univers et les méthodes s’apparente à l’alchimie. De surcroit, ce monde m’était inconnu et m’apprit une multitude de choses. C’est pendant cette période rude et passionnante, que j’ai rencontré Jean-Jacques Ardizio d’Argeville. Etonné de me voir là, il m’a invité à venir le voir à mon retour en France.
Quels sont vos souvenirs chez Argeville ?
Effectivement de retour de mon service militaire, je suis allé voir Jean-Jacques Ardizio. Pris par la magie de cette industrie, j’ai décidé donc de poursuivre en devenant directeur commercial, en charge de l’Asie. Les voyages et la découverte de pays comme l’Inde, le Pakistan s’ouvraient à moi.
Au final, j’étais assez content de m’échapper du Sud de la France, où je n’étais pas vraiment heureux. De fait, ma soif d’apprendre, de découvrir les coulisses de l’industrie m’enchantaient. De ces multiples voyages, j’ai surtout été touché par les gens que j’ai rencontrés. La découverte d’univers différents, d’autres religions et même de pensées inédites, procure des expériences fantastiques.
Je n’oublierai jamais le visage de mon distributeur au Pakistan, basé à Karachi, blême chaque fois que je prenais le volant et que je me trompais de côté sur la route (circulation à l’anglaise !), la ville étant remplie de militaires lourdement armés. Puis, en Inde, c’était l’image d’un père jouant avec son fils sur un tas de gravas, représentant sa maison et la somme de sa vie, tout juste dévastée pour la construction d’une route. A ce moment là, mon distributeur indien me fera comprendre que les Indiens acceptaient la fatalité, leur vision de la vie.
Comment est né Jovoy
De retour à Paris, j’ai souhaité monter ma société. Devant une uniformisation grandissante des parfums, j’ai eu l’idée de créer une marque reposant sur les familles olfactives. Mais cette idée me fut reprise, avant même que je me sois lancé…
Cependant, les chemins de la vie me firent rencontrer Jean-Marie Martin-Hattemberg, expert de flacons et auteur du livre « Précieuses Effluves ». Et ce dernier me recommanda de faire renaître un des trésors de la parfumerie disparue. Donc après la lecture de son ouvrage, je décide de lancer Jovoy en 2006.
D’où vient ce nom Jovoy ?
Ce nom vient de la contraction entre Jo, le surnom de Blanche d’Arvoy et la fin du nom de son mari anglais, Voy. On sait peu de choses sur cette femme, si ce n’est qu’elle était une contemporaine de Coco Chanel, établie au 15 rue de la Paix, avec ses propres structures de distillation à Grasse. C’était une femme très à l’avant-garde dans le monde du parfum. C’est grâce à elle que l’on doit l’importance des échantillons et des cartes parfumées… en un mot, c’était avant l’heure, le début du marketing sur les points de vente. Enfin, Blanche d’Arvoy a très vite compris que le vaporisateur serait l’avenir de la parfumerie.
C’est dans ma 1ère boutique Jovoy, rue Daniel Casanova, que j’ai reçu la visite des actuels propriétaires de l’Heure Romantique, la villa de Blanche d’Arvoy sur l’île de Villennes. Un heureux hasard !
Quelles sont les valeurs de Jovoy ?
Elles forment un ensemble. Car sans les boutiques Jovoy, la marque composée de parfums et de bougies n’existerait pas. A ce jour, ma plus grande satisfaction, est de revoir les clients revenir. En quelque sorte une fidélité s’est instaurée. Nous nous devons d’être d’une extrême vigilance. Car il est bien connu, que 1000 clients pour faire une réputation, là où un seul suffit à la défaire !
Aujourd’hui, je considère nos boutiques comme les ambassades de nos marques. Un écrin fait de rouge, ma couleur de prédilection. Un lien et un clin d’œil à l’Asie. En quelque sorte, elle est mon ADN.
Bien que les parfums Jovoy aient vu le jour dans les années 20, une maison entièrement oubliée du grand public, j’ai saisi l’occasion de la sortir de l’anonymat, tout en assumant que les parfums créés de nos jours, seraient parfaits pour parfumer nos contemporains.
Quelle est l’histoire de Jeroboam ?
Tout a démarré autour d’une boule de musc très concentré, mise au point par le parfumeur Vanina Muracciole. Ce qui ne devait être qu’un travail d’exploration olfactive, un jeu entre Vanina et moi, devint une base de parfum, et le fil conducteur d’une marque à part entière : Origino, le premier parfum de la marque Jeroboam.
Le parfum est une arme pour qui sait s’en servir. C’est pourquoi j’ai décidé de ne proposer que des extraits, la concentration reine à mon goût pour un parfum. Et ces derniers ont été enfermés dans un Jéroboam. Tout un symbole, un clin d’oeil au nom d’une bouteille de vin, conçue en 1725 par Pierre Mitchell, un industriel de la verrerie royale de Bordeaux. Chacun des 7 parfums de la marque est présenté dans les plus petits flacons Jeroboam au monde (30ml). La marque est un franc succès dont je suis fier.
Quels ont été vos mentors dans le métier ?
Bernard Naim de Panouge, un homme d’une grande expérience, plein de délicatesse et de bienveillance.
Sylvie Dumontier de Coudray Parfumeur, une femme qui a toujours été là et surtout dans les moments plus difficiles. Je peux même dire qu’elle m’a protégé et aidé à me construire. Sylvie est une femme d’une grande discrétion.
La liste ne s’arrête pas là. Je citerais aussi Steven Grey de Clive Christian, Dimitri d’Ukraine, Lucas Falccetti, mon distributeur italien sans oublier Aspect Beauty à Londres, sans qui je n’aurais pu ouvrir ma boutique à Londres.
Les parfumeurs qui ont retenu votre attention ?
Vanina Muracciole, un parfumeur plein de talents. Et contrairement à ce que l’on pense, je la considère comme un maître parfumeur. Elle est visionnaire et positive.
Bertrand Duchauffour pour l’homme incarné.
Et le duo Amélie Bourjeois/Anne-Sophie Behagel à la tête de Studio Flair. Ces deux jeunes femmes se complètent à merveille. Si la première a beaucoup de charme naturellement, de la douceur et de l’humour, la deuxième est une bombe d’énergie, un feu d’artifice, une séductrice et toujours prête à rigoler. Au final, ce sont des rayons de soleil.
Cécile Zarokian est impressionnante de créativité et l’une des parfumeurs les plus douée de sa génération. Elle signera le prochain parfum, fruit d’un inoubliable voyage au Qatar.
Votre 1er parfum et votre parfum d’aujourd’hui ?
Mon tout premier parfum a été Cacharel pour Homme, la signature d’un beau parfum. Et aujourd’hui, je porte Vespero de Jeroboam sans oublier un grand coup de cœur pour Bombay Bling de Neela Vermeire.
Quelles sont vos passions en dehors du parfum ?
Mes rosiers…. j’en ai récupéré de la propriété de ma grand-mère. Une passion qui me permet de me ressourcer avec des gestes simples tout autant que la pêche.
Au final, François Hénin, vous a raconté pour la première fois et dont j’ai l’honneur d’avoir la primeur, son parcours riche de découvertes et tourné l’autre.
Bonjour,
J’aimerai partager cet article sur Linkedin.
Comment puis-je faire?
Merci
Je trouve cet article très complet, et très intéressant.