Honneur aux femmes parfumeurs (2)
Ma saga, Honneur aux femmes parfumeurs, se poursuit. Aujourd’hui, je vous invite à découvrir 3 nouvelles créatrices de parfum : à savoir Sidonie Lancesseur chez Robertet, Joëlle Lerioux du Parfumeur Français (sa propre structure) et Delphine Thierry d’Inspiration Libre (aussi indépendante). Partons en voyage entre Paris et Grasse !
Place aux femmes parfumeurs
Sidonie Lancesseur
Son 1er parfum : Straight to Heaven By Kilian et son dernier : This Is love de Zadig & Voltaire
Avant de dédier sa vie à la création de parfum, Sidonie, a démarré des études de médecine…. 2 années ! Or, une conversation avec une amie d’amie de sa famille, sur le parfum l’intriguera. Aussi, un stage chez Robertet à Grasse, lui sera finalement révélateur. Alors, à 19 ans, c’est décidé, Sidonie voudra devenir parfumeur.
Tout au long de ses 1ères années (Isipca, stage Givaudan, IFF, Symrise), la vie l’a conduit chez Robertet d’une façon ou d’une autre. C’était une société qui l’avait marquée et qui lui correspondait. Effectivement, de retour chez Robertet, Sidonie a vu juste, puisqu’elle y crée depuis 15 ans !
C’est aussi là, qu’elle rencontrera Michel Almairac, son mentor. En effet, ils formeront un duo de choc et de coeur ! “J’aborde la parfumerie comme lui et nous avons la même vision. En effet, à son image, Sidonie est spontanée et authentique. En quelques mots, nous nous comprenons” me confie Sidonie. De plus, elle sera tout autant impressionnée par sa disponibilité, son ouverture d’esprit, que son écoute, et son humilité.
Des souvenirs olfactifs, Sidonie en est intarissable. Parmi ceux qui lui sont les plus chers, il y a l’odeur de la campagne l’été, des champs de maïs, du feu de cheminée (entre l’odeur du patchouli et du vétiver, de l’odeur métallique de la cendre), de l’odeur des maisons, ou encore de l’ambre chez sa marraine.
Enfin, il apparait évident que la nature lui est vitale, voire même un lieu de ressourcement. Sinon, Sidonie est à l’écoute de tout ce qui l’entoure, avec des sens constamment en éveil. C’est la vie elle-même qui l’inspire et la nourrit. Au final, ses idées lui viennent par un jeu d’associations, de toutes ses expériences sensorielles.
Son écriture, son style
Il lui est important de garder un propos clair et que chaque ingrédient soit à sa place. Jusqu’ici rien d’étonnant, quand on sait que son mentor fut Michel Almairac, un parfumeur reconnu pour ses formules courtes, allant droit à l’essentiel. Pour illustrer ce propos, Straight to Heaven By Kilian repose sur un accord rhum/patchouli et Black Phantom By Kilian est un accord café/vétiver.
Entre parfum masculin et parfum féminin, Sidonie a une préférence, et se sent plus à l’aise avec les masculins. Outre les notes boisées et épicées, elle affectionne l’ambre pour ses notes chaudes. Un ingrédient que l’on retrouve dans 302 de Bon Parfumeur, Charpentier de l’Officine Universelle Buly.
Joëlle Lerioux
Son 1er parfum : la gamme corps Ushuaïa au thé vert et son dernier : Camelia Acqua Di Parma
Devenir danseuse et intégrer la compagnie Alvin Ailey à New York fut le premier rêve de Joëlle. Or, elle va embrasser le métier de créateur de parfum ! C’est sous l’aile protectrice de Jean Mane, qu’elle poursuivra son apprentissage, à l’école interne de Mane à Bar-sur-Loup, après l’Isipca. Au total, 20 ans de création chez Mane, Expressions Parfumées, Fragrances Ressources, dont 10 ans passés à l’étranger. Une expérience fabuleuse qui l’a ouverte aux différentes cultures, et éveiller au respect de la différence. “Mes années passées en Chine, m’ont secouée, ouvert les yeux et appris à entrer dans l’intimité de l’autre. J’ai dû faire comme eux et m’adapter !” me racontera t-elle.
Généreuse, exigeante et déterminée, Joëlle exerce aujourd’hui, son métier avec foi et passion, dans son propre studio de création, Le Parfumeur Français. Si fière de la France, elle est basée à Grasse, le berceau de la parfumerie. Son envie d’indépendance, l’a amené à penser autrement, son lieu de création. D’un côté, il y a son laboratoire, et de l’autre, un studio de création où elle reçoit les amoureux du parfum (ses clients) pour leur expliquer et les embarquer dans son monde. En effet, partager et faire vibrer lui sont importants.
D’ailleurs, elle me confiera “quand on se comprend, on ne peut que mieux avancer”. Enfin, Joëlle, prévoit aussi un jardin et une serre. Un espace pour mieux appréhender ses inspirations, expliquer la chimie et les plantes à parfum. En quelques mots, redonner de l’importance aux échanges humains, être à l’écoute, prendre du temps et offrir du temps, telle est sa philosophie du parfum. Par ailleurs, elle fait partie de l’agence Grace, la 1ère agence de parfumeurs indépendants.
Quant à son registre de matières fétiches, on y retrouve le patchouli, le poivre Sichuan, la sauge sclarée, l’ambre, la base animalis de Synarôme, le costus… En réalité, beaucoup de ces notes ont bercé son enfance, tels que le patchouli ou les matières premières animales. Enfant, cette dernière a vécu à la campagne dans les Pyrénées, près d’une ferme, où il y avait des moutons. Les montagnes sont aussi synonymes pour elle de liberté, de verdure, de pin, de sapin mais aussi de pierre. Composer un parfum, c’est écrire les battements de son cœur en odeurs… tel est le graal de Joëlle.
Son écriture, son style
“Tout projet démarre avec une bonne idée. Ensuite, il est indispensable de créer des envies plus que des besoins” m’explique Joëlle. De fait, ses créations sont généreuses et audacieuses. Il n’y a donc, rien d’étonnant à ce qu’elle s’exprime dans ses parfums, de manière directe et sans détour. Convaincue que la maîtrise de la matière et de la technique concrétisent et sublime la création.
De façon générale, Joëlle aime travailler les Colognes pour leur fraîcheur. C’est un exercice qu’elle a réalisera dans Mirra d’Acqua di Parma, où se côtoient agrumes et myrrhe, ou encore dans Oud et Bergamote Cologne Intense, de Jo Malone. Autrement dit, rien ne l’arrête, bien au contraire, Joëlle aime relever les défis. Ce fut le cas avec les notes florales, loin d’être ses favorites ! Néanmoins, ce sera sur une rose qu’elle a travaillé pour Givenchy, dans Rose Ardente, Rose Gothique pour LeSnob, ou Camélia d’Acqua di Parma.
Delphine Thierry
Son 1er parfum : CraquiPoire dans la collection Les Sorbets d’Eau Jeune et son dernier : Dolce Acqua de Masque Fragranze
Tous les matins, Delphine va marcher dans la forêt à côté de chez elle. Il s’agit d’un temps pour elle, qui l’inspire, un moment d’émerveillement de la nature qui l’entoure, et un éveil des sens, au-delà du sens olfactif. Après s’être imprégnée de cette nature, toutes ses idées sont alors claires, en place, prêtes à être formulées.
Par ailleurs, parmi tous ces arbres qu’elle côtoie, le chêne celui de son enfance basé à Fontainebleau, les lentisques, le bois de cade, figurent au coeur de ses préférés. Tandis que dans le registre des notes boisées de la parfumerie, c’est le vétiver d’Haiti et de Java pour ses notes terreuses, fumées et cirées qui retient son attention. C’est pourquoi elle en a inséré avec de la châtaigne, une autre odeur qu’elle affectionne, dans Castana de Cloon Keen Atelier.
Néanmoins, c’est à l’âge de 15 ans qu’elle prend conscience que les odeurs guideront sa vie. Or, elle réalisera sentir constamment…. ses frères lui bandaient les yeux pour qu’elle reconnaisse les odeurs ! Elle ira même, jusqu’à suivre une dame en manteau de fourrure dans la rue !
Au final, l’appel de la nature, des odeurs et des matières premières naturelles, n’a jamais cessé. Il faut dire que Delphine a été à bonne école, avec Jacques Polge, lors d’un stage chez Chanel. Ce fut un souvenir mémorable, puisqu’elle est sans cesse à la recherche des mêmes qualités d’ingrédients de la marque. D’ailleurs, aujourd’hui, la société Robertet de Grasse, une société réputée pour le naturel, lui fournit les matières premières.
Après l’Isipca, Delphine travaillera chez IFF, Mane avant de créer Inspiration Libre. Des postes qui la feront voyager à New York, Mexico, Bar sur Loup, Paris puis Grasse. A chaque fois, ces expériences enrichissantes lui feront découvrir la parfumerie américaine, travailler sur des notes, pas uniquement à son goût… enseigner les matières premières et prendre du recul sur son métier… S’ouvrir à tout ce qui va donner des sensations et des émotions, puiser dans les petits riens de la vie, être tout simplement à son écoute. Telle est sa philosophie de la création.
Son écriture, son style
Delphine aime glisser et varier les doses d’un encens hyper essence, de chez Charabot ou des notes minérales, dans chacun de ses parfums. En effet, elle avoue avoir du mal à s’en séparer, car elle pense, que cet ingrédient fera du bien… Des notes minérales de pierre, de pin et d’aromates donneront naissance à Akkad de Lubin.
Outre les formules courtes et directes, elle s’est lancé dans un challenge, formuler 100% naturel. C’est un exercice qui demande en quelque sorte, de réapprendre à formuler pour jouer uniquement avec du naturel. Ce nouvel exercice commencera avec la gamme de parfums de Mademoiselle bio, Contre Lui d’Eve & Daphné, et aujourd’hui avec tous les parfums de la marque Floratropia.
Magnifique à poursuivre absolument
Merci Patrice. J’espère que tu vas bien. Si tu veux que je continue
dis-moi quelles sont les femmes parfumeurs que tu souhaites mieux connaître
Il y en a tant d’autres alors pourquoi s ‘ arrêter à 6 ?
Magnifique article. Je suis simplement ému. Celle s qui m’ont le plus touché demeurent: Germaine CELLIER & Clémence BESS.