Ma rencontre avec Robert Sinigaglia chez Robertet
Lorsqu’on parle matière première naturelle à Grasse, tout le monde ou presque, a sur le bout des lèvres, le nom de Robert Sinigaglia de chez Robertet à Grasse. Effectivement, ce dernier devrait plutôt couler des jours heureux à la retraite !… Un mot qu’il ne connaît pas, puisque sa passion pour son métier, reste le moteur de sa vie ! Rencontre sans plus tarder avec ce passionné….
Visite de l’usine Robertet
Une fois arrivée devant les grilles de l’usine de Robertet rue Sidi Brashim à Grasse, j’attends que l’on vienne me chercher…. sécurité oblige. Robert Sinigaglia m’accueille avec un large sourire, en blouse blanche, des touches à parfum dans une poche, telle une pochette parfumée…ton sur ton. Il me propose immédiatement une visite de l’usine. Robert m’avouera, par la suite, qu’il démarre toute rencontre par la visite de son univers quotidien, afin de nouer un contact chaleureux.
Habillée moi-aussi d’une blouse blanche comme il se doit, nous partons faire cette visite, tel le tour du propriétaire !… Un très beau voyage qui s’annonce au pays des matières premières naturelles, utilisées, par les plus grands parfumeurs de la planète, pour la création de leurs parfums.
Ce jour, ce sont de la mousse d’arbre d’un côté, le foin de l’autre, qui attendent sous un hangar, avant de partir vers les extracteurs…. soit pour une distillation soit une extraction aux solvants volatils….
Puis, nous rentrons dans la première salle où se trouvent les grandes cuves, telles de grands chaudrons,
rangées en “rang d’oignon”, de chaque côté, prêtes à recevoir les matières naturelles à extraire. On y retrouve aussi de grands sacs de matières sèches comme le tabac, du benjoin, du maté…. et je ne résiste pas à y mettre mon nez, pour les humer !…
Là, leur voyage démarre pour se poursuivre dans une salle à l’étage inférieur, où l’on trouve un atelier de distillation. A chaque moment, des hommes sont là pour surveiller les opérations, toujours en blanc. Un peu plus loin, ce sera l’atelier des extractions aux solvants volatils, un autre procédé de transformation des matières premières naturelles à parfum. “C’est la matière qui guide la fabrication” me raconte Robert.
La visite se poursuit dans un autre bâtiment, où se trouve l’atelier des concrètes, produit que l’on récupère d’une extraction aux solvants volatils, pour ensuite la transformer en absolu.
Regard sur son métier
Ce métier demande d’avoir du nez et de l’observation. “Il est primordial d’observer et contrôler la matière. On vend des produits chers qui n’autorisent pas l’improvisation comme en cuisine !…. c’est pourquoi à ce stade, on ne peut comparer la parfumerie et la cuisine.” En effet, on ne peut pas rater une production !….et plus particulièrement, pour les campagnes florales.
Un bel exemple est l’iris Pallida Florentina, à prix d’or, mais néanmoins qui possède une qualité suprême pour les parfumeurs pouvant se l’offrir. Pour obtenir le rhizome, les racines de l’iris, il faut attendre 3 ans, puis ensuite une fois lavé, ébarbé, il va sécher encore trois ans ; soit six années d’attente écoulées ! Puis, sachez que, sur 4 tonnes de racines, une fois lavées, on perd 1 tonne, ainsi au final, il ne reste qu’une 1 tonne, une fois séchée ! Et de cette tonne, une fois la distillation obtenue, il restera 3kg de beurre d’iris qui donneront 300gr d’irone, le principe odorant de l’iris, très apprécié, à l’odeur de violette et aux notes boisées. Vous comprendrez et connaissez désormais, la fabuleuse histoire de l’iris, dont le prix est comparable à une pierre précieuse !
Sa rencontre avec le parfum
“Des parfums de rose, de jasmin, d’oranger, de tubéreuse ont baigné mon enfance, comme celles de nombreux Grassois. Ces senteurs ont décidé, sans aucun doute de ma vocation.” Sans oublier de dire que son père, sa soeur, et de nombreux membres de sa famille…. travaillaient tous dans le sérail…. chez Bruno Court, Chiris, Mane, Roure, Robertet… Que ce soit la plante à parfum ou le parfum, Robert l’avait quasiment dans son ADN !…. Puis, il me dit “l’été nous étions embauché dans les usines, à l’enfleurage, un travail long et délicat, qui demande de la patience et le bon geste, quand nous n’allions pas ramasser la plante dans les champs.” En réalité, ce dernier a été élevé avec la récolte des plantes à parfum qui démarrait en mai avec la rose et l’oranger, pour continuer en juin avec le chèvrefeuille sauvage…puis de finir, de juillet jusqu’en octobre avec le jasmin, sans oublier la tubéreuse…
C’est ainsi que Robert est rentré le 1er septembre 1959 chez Robertet et qu’il y est encore aujourd’hui ! Mais qu’est-ce qui anime cet homme ? “L’envie de savoir, de comprendre, de découvrir” me confit t-il ? La Nature, cette source infinie de ressources, vous étonne tous les jours, poursuit-il. Et puis, il n’y a pas que l’odeur des matières premières qui me fascine : il y a aussi leur histoire, leurs origines, puisqu’elles viennent du monde entier. Enfin, il y a toutes les technologies modernes, comme le fractionnement, la distillation moléculaire, les nouvelles technologies de distillation et d’extraction ainsi que les moyens analytiques considérables qui permettent de pousser les explorations jusqu’à découvrir de nouvelles vertus, de nouvelles expressions des grands classiques de la parfumerie, comme l’ylang ylang ou le patchouli. Le renouvellement est permanent….
Vous aurez compris que Robert Sinigaglia est un homme heureux et épanoui. Et il me glisse, “Robertet est le plus bel endroit sur terre et surtout pour le naturel en parfumerie.” Depuis, les nombreuses années passées dans la maison, il a bien sûr connu Maurice Maubert, le grand-père de l’actuel président Philippe Maubert et son père Jean Maubert.
Ses souvenirs de Jean Maubert
« J’ai le souvenir d’un chef d’entreprise innovant, soucieux du bien-être de ses collaborateurs, capable d’installer une relation de confiance avec chacun d’eux. Et puis, également, le souvenir d’un excellent professionnel, grand, très grand connaisseur des produits naturels. J’ai énormément appris à son contact. Et tout cela me sert encore aujourd’hui.
Bien sûr, la technologie a évolué considérablement. C’est comme si nous étions passés du poste à galènes à l’iPhone ! Il n’en reste pas moins que l’expérience accumulée à cette époque, est toujours d’actualité. Parce que notre quotidien n’est pas uniquement fait de machines. Il repose aussi et surtout sur des matières naturelles. Or, comme les vins, celles-ci sont sujettes à l’effet “millésime”. Il y en a des bons et des moins bons.”
Aussi, après cette fabuleuse visite et ce tête à tête que je vous ai racontés, je tiens à remercier vivement Robert Sinigaglia, de cette merveilleuse matinée.
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